Les variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach contiennent des danses : menuets, gigues, sarabandes, passe-pieds… Je les entends, les vois, les devine par la façon dont le clavecin vient pincer les cordes pour faire résonner ces sons anciens. J’entends aussi la modernité de sa construction et la puissance de sa structure.
Cette musique donne à voir des gestes et des récits. Ces gestes sont ceux que d’autres ont fait il y a longtemps, traces laissées pour que nous les empruntions à nouveau, autant que gestes à venir qu’à notre tour nous faisons apparaître pour offrir des récits d’aujourd’hui.
Quand j’écoute cette musique par le corps et le mouvement, je suis saisi par le rythme, les nuances, les couleurs, les glissements, les attaques, les saccades. Si mon écoute est plus émotionnelle, la joie et la mélancolie s’entremêlent, une sensation d’espace et d’ouverture s’accorde à un rapport plus intime.
Nous avons essayé d’entendre ce qui se tient comme histoire, comme fiction, dans les intervalles que la structure musicale creuse d’une variation à l’autre. Et nous tentons de tisser le récit inédit que ces espaces libres offrent à notre imaginaire.
L’interprétation des danseurs s’accorde à l'interprétation musicale ; ensemble ils tissent un dialogue subtil, nourri par la précision d’une longue attention partagée. Ils ne se suivent pas, ils ne s’attendent pas, mais prennent le risque de parcourir ensemble une histoire plus large qu’eux-mêmes, qu’ils empruntent comme on le ferait d’un sentier ancien, sans s’inquiéter de l’endroit où il nous mène.
Loïc Touzé